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le volley au Brésil
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Fin octobre 1964, nous (nous,
le couple Marc Boronad) sommes partis en voyage de noces à Rio de Janeiro,
attendus par des amis réfugiés. En transparence dans leurs lettres, nous avions
bien senti qu’ils guettaient les réactions de Paris avec l’espoir d’une
amnistie générale pour rentrer en France le plus vite possible.
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Les hommes à la dérive
semblaient étouffés par la haine. Ils détestaient cette ville qui nous avait
fait tant rêver. Le Pain-de-Sucre au milieu de la baie aux courbes
harmonieuses, ils ne le voyaient pas.
A
Rio, le Corcovado et son Christ immense, démesuré, un peu la Tour Eiffel de
Paris, eh bien étaient-ils montés faire quelques clichés?
Haussement d’épaules.
Et les fleurs du pays, les orchidées, les becs de perroquet rouges (becos
de papagayos) qui éclairent les bouquets, et les bijouteries dans toutes
les rues qui présentaient des pierres du pays : citrine, topaze,
aigue-marine, améthyste.
Ils ne savaient rien des pierres précieuses ou
semi-précieuses. Les fleurs, les bijoux étaient destinés aux femmes et ils
n’avaient pas de femmes.
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Amnistie qui ne
fut signée, nous le savons, qu’après la révolte de mai 1968 et la prise de
position ferme du général Massu.
A Rio, les agités d’Alger étaient devenus des
exilés et nos amis étaient vite devenus aigris, désabusés, étouffés par la
rancœur. Ils tournaient en rond et une vie entre hommes tourne souvent au
tragique.
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Nous avons tenté de parler du fameux carnaval de
Rio qu’ils avaient « vécu » une fois. Ah, le carnaval !
L’éther vaporisé, la drogue, l’alcool et des putes contaminées à tous les coins
de rue. D’ailleurs la population évoluée ou intellectuelle quittait la ville
pendant ces dix jours démentiels. Renseignements pris, c’était vrai. Nous les
écoutions, abasourdis.
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Pour les réfugiés français, le carnaval n’était que
singerie et prostitution, dans les favellas, des enfants mourraient de faim
pendant que les parents se faisaient confectionner des costumes qui valaient
une fortune comparée au niveau de vie et au salaire moyen. Les exilés
demandaient à rentrer dans leur pays « libéré », avaient un rejet
farouche des « cariocas ».
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Presque
tous ceux que nous connûmes eurent une fin dramatique. De soldats perdus, ils
devinrent souvent des loques. Nous apprîmes un jour qu’un pilote, odieux avec
son entourage, odieux avec nous sans raison, était parti au Yémen comme
mercenaire, avait dû faire un jour un atterrissage forcé en Libye et avait
disparu.
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Un adjudant du bataillon de Corée, lui seul, nous parut équilibré et
sage. Un jour il est retourné chez lui en Corse et a peut-être pu tirer son
épingle du jeu. Un autre, atteint d’une balle dans la colonne vertébrale, (une
rixe dans un bar à laquelle il ne participait pas) est mort sur une chaise
roulante, dévoré par les escarres.
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Là-bas, au
bout du monde, nous avions le sentiment de ne plus sortir de la guerre
d’Algérie. Nous arrivions à Rio pour faire la fête, manger dans les
churrascarias, aller voir et danser la samba et nous trouvions la déchéance.
Quand même
nous fîmes la connaissance de Français installés dans la ville depuis bien des
années et nous eûmes un autre avis, une autre appréciation et vision de la
ville.
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Comme tous les touristes, nous allâmes nous baigner sur la plage de
Copacabana. Des groupes de jeunes faisaient ce que nous appelions à Alger, de
la touche de balle ou disputaient des matches de volley comme chez nous sur les
plages. J’aurais pu faire le sixième joueur. Rien de transcendant dans leurs
échanges de ballon. C’était juste bien. A l’époque, le sport pour les
Brésiliens, c’était le foot-ball et le foot-ball, c’était Pelé. (Ils
prononçaient « Pélé»).
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A Rio, nous sommes retournés bien sûr, et j’ai vu l’évolution du volley-ball. Le long de
l’avenue Copacabana, côté plage, les terrains de jeu s’étaient multipliés. Les
hommes jouaient avec sérieux, application, rapidité, puissance. J’avais
vieilli, je n’aurais jamais pu faire le sixième joueur sans être ridicule. Ces
joueurs, à l’évidence « hommes du peuple » avaient le sens aigu du
grand jeu.
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Il me semblait parfois qu’ils auraient pu être les élèves des Coquand, Brockly, Sougnac, Laverhne d’Alger
du temps de la splendeur de ces derniers. J’ai alors misé sur le Brésil pour le
volley-ball et je savais que je n’avais aucune chance de me tromper. Regardez
donc aujourd’hui les démonstrations qu’ils nous font, le spectacle qu’ils nous
livrent. Un volley parfois même trop rapide, difficile à suivre. J’admire et je
suis jaloux.
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